Le Vieux puits

Magda Szabó

Viviane Hamy

  • Conseillé par (Libraire)
    23 mars 2009

    C’est au fond du vieux puits qu’elle n’avait pas le droit d’approcher quand elle était petite que Magda Szabó se glisse pour retrouver son enfance, claire et vivante, magique par la grâce de parents extraordinaires au sens premier du terme. Rien de commun en effet dans l’orientation qu’ils donnent à l’éducation de leur fille. Car ce qu’ils lui apprennent d’abord, ce ne sont ni les tables de multiplication ni la couture, mais le goût de la liberté et le pouvoir de s’émerveiller d’un rien.


    Au fond du vieux puits, il y a la petite ville hongroise de Debrecen au cours des années vingt, poussière l’été, neige l’hiver, orages fabuleux et brouillard, le vrai brouillard, celui où on se perd.
    Il y a le père, éternel enfant, absolument dénué de sens pratique, rêvant de projets toujours irréalisables, incapable de s’adapter, comme il le recommandera plus tard à sa fille, à « la majorité raisonnable et disciplinée ».
    La mère, certainement une fée transformée en être humain par quelque sortilège, pose sur la réalité un regard tendre et fantaisiste et, devant les ennuis qui pleuvent, trouve toujours une manière d’éloigner l’inquiétude : « Ça n’est pas grave, ne vous en faites pas, je m’en occupe. »
    Le vieux portefeuille en cuir jaune ne contient jamais de billets de banque mais des graines de fleurs.
    C’est de la baguette du chef d’orchestre que sort la musique, les musiciens sont disposés sur la scène seulement pour faire joli.
    Les corneilles rentrent de l’école chaque jour à la même heure en bavardant dans le ciel. Et la mer est tout près, juste sous la baignoire.
    La rue Szent Anna revit, avec son marché, les étals de poisson ou de fleurs, de peignes ou de draps. On suit Magda dans les échoppes où elle rend visite à ses amis : le bijoutier, si mystérieux avec sa loupe vissée sur l’œil, l’épicier et ses pochettes-surprises, et surtout le pâtissier, qui lui offre gâteaux et bonbons.

    Ces souvenirs d’enfance ressemblent à un conte. On sourit souvent en accompagnant cette petite fille intense et sensible dans son apprentissage de la vie, avec pour seules armes contre les ennuis et la cruauté du monde la fantaisie et l’imagination. Et on comprend qu’en réalité, au fond de ce vieux puits, il y a un écrivain en herbe, qui nous offrira des années plus tard d’inoubliables romans et deviendra l’une des plus grandes voix de la littérature hongroise.