Hipnofobia
EAN13
9782012035218
ISBN
978-2-01-203521-8
Éditeur
Black Moon
Date de publication
Collection
Black moon
Nombre de pages
232
Dimensions
22 x 14 x 2 cm
Poids
298 g
Langue
français
Langue d'origine
catalan, valencien
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Hipnofobia

De

Traduit par

Black Moon

Black moon

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L'éditeur a bénéficié, pour la traduction de cet ouvrage,
du soutien de l'Institut Ramon Llull.

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Photographie de couverture : © ipstock/Getty Images

Conception : Julie Simoens

Traduit du catalan par Cathy Ytak

L'édition originale de cet ouvrage a paru
chez Raval Edicions SLU, Proa, sous le titre :
HIPNOFÒBIA

© Salvador Macip Maresma, 2012.

© Hachette Livre, 2013, pour la traduction française.

Hachette Livre, 43 quai de Grenelle, 75015 Paris.

ISBN : 9782012034266

Traduit du catalan par Cathy Ytak

À ma belle au bois dormant

« J'ai cru entendre une voix crier : ``Ne dormez plus ! Macbeth assassine le sommeil !'' L'innocent sommeil, le sommeil qui dévide l'écheveau embrouillé des soucis !... Le sommeil, mort de la vie de chaque jour, bain du travail douloureux, baume des esprits blessés, seconde source de la grande nature, aliment suprême du festin de la vie !... »William ShakespeareMacbeth, acte II, scène 2 (Traduction de Maurice Maeterlinck.)Première partie

Metcalf

1. Rêver, peut-être

I

Lumière blanche.

Sol blanc.

Le plafond, s'il existe, est blanc lui aussi.

Je ne peux pas voir mes mains, attachées dans mon dos, mais elles doivent sûrement être déjà aussi pâles que tout ce qui m'entoure.

Le blanc, c'est le vide. Le vide de la pièce où l'on m'a enfermé. Une pièce sans limites, sans murs. Sans portes, sans fenêtres et sans ouvertures. Sans angles, parce que le blanc efface toute possibilité de perception.

Je suis prisonnier d'une couleur, de toutes les couleurs. Submergé dans une mer inexistante. Maintenu artificiellement en vie.

Ils se sentent plus tranquilles si aucun stimulus ne vient exciter mes neurones. C'est la raison pour laquelle ils m'ont condamné à ce monde stérile, privé de frontières, d'air, de formes, de reflets, de mouvements et de son. Rien que ma respiration dans un masque à oxygène, monotone. Le seul lien de mon corps avec une réalité biologique qu'ils veulent nier. Ils prétendent que mes pensées n'ont pas de consistance mais ils ne peuvent stopper mon mental.

Je suis assis sur une chaise invisible, figé dans l'espace et le temps. Obligé de regarder devant moi ce mur indéfini. Le seul gardien de prison auquel je peux prétendre.

Mais ils ne savent pas que je les entends. Que je les vois. Que je les écoute. Je n'ai pas besoin de l'ouïe, ni de la vue, ni d'aucun autre sens. Plus maintenant. Je peux suivre leurs mouvements de là où je suis. Je sais comment ils parlent de moi, comment ils doutent, comment ils discutent, comment ils se croient en sécurité après avoir coulé ces mètres de béton entre nous.

Ils ne savent pas quoi faire, c'est évident. La voix du docteur M parvient jusqu'à moi aussi clairement que s'il se trouvait à mes côtés :

— Nous le gardons en observation depuis déjà trois semaines, et il n'a pas encore dormi.

Dans mon cerveau se forme l'image du docteur M s'adressant à un groupe d'individus en blouse blanche. Ils viennent d'arriver. Ce sont les experts qu'on est allé chercher dans les principaux centres d'investigation clinique du pays. Pour les aider. Quelqu'un d'important, dans un bureau lointain, commence à se désespérer ; ils ont donc décidé d'impliquer plus de monde.

Le docteur M désigne le moniteur qui reproduit jour et nuit la même image immobile, renvoyée plusieurs dizaines de fois chaque seconde par la caméra installée derrière moi : ma nuque rasée, les électrodes et tous les câbles qui y sont rattachés. Ma silhouette absente qui rompt l'homogénéité obsédante de la cellule. Je lis dans leurs yeux distants qu'ils ont du mal à comprendre que ce corps faible et sans défense puisse représenter une aussi grande menace.

— Nous ne savons pas depuis combien de temps il est comme ça. Ni combien de temps il le restera. Pour le moment, nous ne pouvons rien faire d'autre qu'attendre.

— Et son activité cérébrale ? demande l'un des nouveaux venus.

— Les électro-encéphalogrammes sont incroyables. Toutes les ondes oscillent à des fréquences qui triplent les normales. On n'a jamais rien décrit de semblable auparavant.

Je peux sentir l'impatience du général S, assis à l'autre bout du bureau ovale, en train de mâchonner quelque chose, sans bruit. Il connaît l'histoire par cœur. C'est lui qui s'est chargé de toute l'opération, peu après ma découverte par la police.

II

Le docteur Metcalf saisit le paquet de feuilles posé devant lui. Il veut revoir une fois de plus le dossier avant d'aller se coucher. Comme tous les jours. Trente pages dactylographiées en interligne simple et une montagne d'informations additionnelles. Photos, graphiques, statistiques qui n'apportent rien de nouveau. Le dossier commence à prendre une épaisseur considérable. Mais ils ne savent toujours rien de ce qui pourrait leur être utile.

Il compulse les données personnelles du patient, le rapport de police, les détails de son arrestation, la liste des médicaments qui lui ont été administrés ces dernières semaines, les électro-encéphalogrammes, les courbes de température et la tension.

Inutile. C'est le mental qui les intéresse, pas le corps. Et les pensées ne peuvent se mesurer.

L'air conditionné souffle discrètement sur sa tête. Il a appris à ne plus en entendre le bruit. Cela fait des jours et des jours qu'il est sous terre, sans voir le soleil, ni respirer de l'oxygène non frelaté. Il est autant prisonnier que son mystérieux patient : ils ne le laisseront pas reprendre le cours de sa vie tant qu'il n'aura pas trouvé une explication à tout ce qui est en train de se passer.

Quelqu'un a considéré qu'il s'agissait d'une question de sécurité nationale et qu'il était, lui, le plus qualifié pour la résoudre. Ce genre d'ordre qu'on ne peut discuter lorsqu'il vous est donné sur le pas de votre porte, par un général en tenue de camouflage comme en pleine guerre, avec une petite troupe de soldats derrière lui pour souligner l'urgence de ses paroles. Quand le papier sur lequel elles ont été écrites porte le sceau officiel du Président. Quand les explications ne fournissent pas de motifs réels mais réclament votre « collaboration indispensable ». Vous savez alors que vous n'avez ni le droit de donner votre avis, ni le temps de boucler vos valises.

Il n'a vraiment pas demandé ce travail. Dès les premiers instants, il a su qu'il n'était pas préparé pour. L'énigme dépasse ses connaissances. Mais ce n'est pas ce que les militaires et les politiques veulent entendre. Quoi qu'il en soit, il a dû user de tous les recours. Comme il s'y attendait, ça n'a servi à rien : il a échoué.

L'arrivée du nouveau contingent de docteurs confirme qu'ils ne lui font plus confiance. Ils doivent attaquer le problème sous un autre angle, lui ont-ils dit. Sous tous les angles possibles. Mais les nouveaux non plus ne sauront pas quoi faire. Le chemin qu'ils cherchent dépasse les limites habituelles de la science. Maintenant, il en est sûr. Ils doivent oublier tout ce qu'ils savent, toutes les connaissances qu'ils ont fini par intégrer à leur façon de penser, à force de les utiliser. Repartir de zéro.

Mais, comment ?

Avec le temps, il se met à haïr cet individu. Il connaît par cœur sa vie ordinaire. Un vendeur en grands magasins, petite trentaine, aucun problème de santé majeur, éducation élémentaire, rien qui le différencie de tant d'autres. Mais par la faute de ce vendeur de seconde zone, le docteur Metcalf a été condamné à l'exil dans un bunker du gouvernement, enterré sous des tonnes de rochers dans un désert dont il n'avait même jamais entendu parler.

Pour le bien du pays.

Il enlève ses lunettes à monture noire. Et ferme les yeux un moment.

En rejoignant le Groupe, cet homme insignifiant a donc fait le premier pas pour devenir l'individu le plus craint de la planète.

Cela s'est sans doute fait par hasard. Peut-être parce qu'un jour, alors qu'il sortait du boulot, on lui a tendu un de ces papiers remplis de promesses aussi incroyables qu'alléchantes. « Résous tous tes problèmes », « Atteins un nouveau niveau de conscience », « Sois heureux ! ». Toujours la même chose. Il l'a fourré dans la poche de son manteau parce qu'il n'a vu aucune poubelle à proximité pour s'en débarrasser. Et il l'a oublié.

Il l'a peut-être retrouvé par hasa...
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