El lobo, roman
EAN13
9782841879465
ISBN
978-2-84187-946-5
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Roman français
Dimensions
24 x 15,3 cm
Poids
420 g
Langue
français
Code dewey
849
Fiches UNIMARC
S'identifier
Indisponible
DU MÊME AUTEUR

ROMANS

Otages des Andes, Altipresse, 2006.

Vengeance à l'est, Cheminements, 2004.

Fréquence Crash, avec René Baldy, Cheminements, 2003.

Les Cierges de l'Apocalypse, Cheminements, 2002.

Trajectoire collision Crash, avec René Baldy, Vaugirard, 1991.

ESSAIS

L'Internationale terroriste, Plon, 1977.

Mourir au Pays basque. Le combat impitoyable de l'ETA, Plon, 1976.

Angola, indépendance empoisonnée, sous le pseudonyme de Georges Lecoff, Presses de la Cité, 1976.

www.editionsarchipel.com

Si vous désirez recevoir notre catalogue
et être tenu au courant de nos publications,
envoyez vos nom et adresse, en citant ce
livre, aux Éditions de l'Archipel,
34, rue des Bourdonnais 75001 Paris.
Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1089-9

Copyright © L'Archipel, 2008.

AVERTISSEMENT

Cet ouvrage est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements y sont le fruit de l'imagination ou sont utilisés de manière fictive. Il en va de même des noms de marques ou d'organismes. Toute similitude avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, et avec des événements ou des lieux existants ou ayant existé serait une pure coïncidence.

1

Il était nu, une serviette serrée sur la taille, recroquevillé comme un animal peureux. Les coups de fouet résonnaient encore dans ses oreilles. Le vieil homme cacha son visage dans ses bras décharnés, puis ferma les yeux et colla son dos contre le mur, comme pour disparaître dans la pierre par la seule force de sa pensée. Une image de la Vierge accroch ée au plâtre pendait de guingois au-dessus de selles de cheval et la pièce puait l'odeur du bétail et la sueur des vachers.

Un rouquin avait marqué son dos de longues stries ensanglant ées, pendant qu'une radio hurlait une mélodie d'amour, des rythmes chaloupés d'accordéon nasillard :

Je veux que tu saches que c'est moi qui t'aime...

Puis un autre homme, le chef, avait poussé la porte. Luis Ortega avait une calvitie naissante, un visage rond, des joues proéminentes, une peau blanche marquée d'urticaire au niveau du cou et un début d'embonpoint. Un homme presque ordinaire, en complet veston bleu marine. Ses yeux enfoncés sous des sourcils broussailleux lui donnaient l'air d'un animal.

Le supplicié avait l'arcade sourcilière ouverte et des plaies sanguinolentes aux mollets. Ortega l'observa quelques secondes puis se pencha à l'oreille du rouquin, qui hocha la tête.

Il fallait que le vieil homme parle : ses mains calleuses avaient caché, il y a bien longtemps, dans un cimetière de Buenos Aires, des sacoches de cuir fauve dans le mur d'un édifice. C'était en fin de nuit, dans l'aube froide et brumeuse de l'hiver austral. Et il avait juré, prêté serment sur la Madone aux hommes qui l'avaient accompagné qu'il ne révélerait jamais ce qu'il avait fait.

Le maçon écarta ses mains, regarda le ciel blanchâtre à travers la fenêtre grillagée, et la radio enchaîna sur un rythme des Caraïbes :

Le destin est contre nous, mais je saurai te rendre heureuse,

Tes yeux, tes yeux assassins me fixent dans le noir...

Le rouquin augmenta le volume, esquissa un pas de danse et poussa un seau sous un robinet. Dans l'autre pièce, Luis Ortega s'impatientait.

Le prisonnier était ridicule : ceux qui avaient loué ses services ne débourseraient pas un peso pour recouvrir sa bière de fleurs ou équiper son cercueil de poignées en cuivre.

Luis aussi s'était laissé abuser par des grands discours, mais maintenant il avait compris. Un peu tard, certes, puisqu'il venait d'atteindre la cinquantaine, mais sa vie n'était pas finie. Il allait rattraper le temps perdu, quitter ce foutu pays et partir au Brésil. On construisait en Amazonie, pour une bouchée de pain, des bateaux ventrus dans lesquels les pêcheurs ramenaient des dizaines de poissons sans même se donner la peine de regarder où ils jetaient leurs filets. Il en achèterait un, le convoierait vers le sud, s'installerait à Salvador de Bahia et prom ènerait les touristes.

Luis adorait la mer et la pêche. Il regarderait la houle et oublierait le passé, avec des millions de dollars sur son compte en banque pour ne plus penser à rien ; il mourrait peut-être en regardant les flots, allongé sur la plage, les jambes reposant dans l'écume des vagues.

Ce déchet humain qui hurlait dans l'autre pièce parlerait donc tôt ou tard, même s'il fallait lui arracher les ongles, lui couper les oreilles et les doigts un à un. Pourquoi diable s'entêtait-il ? N'avait-il pas compris à qui il avait affaire ? Que les hommes sont stupides avec leurs grands sentiments, leurs promesses et leurs obstinations ! Pourquoi abrutit-on les cerveaux avec toutes ces balivernes ?

Luis termina sa tasse de Nescafé à demi froide et poussa la porte qui conduisait dans la salle de torture. Le vieillard entrouvrit les yeux en l'entendant entrer dans la pièce et son corps fut agité de tremblements.

— Trop long, laissa tomber Ortega. Beaucoup trop long.

Le rouquin travaillait chez Protector, l'agence de sécurité d'Ortega, et obéissait comme un automate à son patron. Luis s'était souvent demandé d'où pouvait bien lui venir cette dévotion. Il en avait conclu que ce n'était pas une affaire d'argent – le rouquin gagnait un salaire de misère – ni de charisme – Ortega savait pertinemment qu'il n'en avait aucun –, mais simplement un problème de cervelle.

Patricio, le rouquin aux gros poings qui sentait la sueur, aimait le foot, les femmes et se bourrait de crème glacée. Il détestait raisonner. Il avait cogné sur le détenu comme sur un punching-ball et était soulagé qu'Ortega le dispense de réfléchir.

Ortega examina le maçon, attrapa une chaise en bois pour s'asseoir à califourchon et posa ses bras sur le dossier. Puis il fit un signe de la tête : le travail pouvait recommencer. Patricio attrapa le vieil homme par les cheveux et le tira vers le seau d'eau comme une branche morte.

Le prisonnier avait compris. Il réunit ses dernières forces, hurla et s'accrocha à une corde qui pendait au mur, mais le rouquin lui donna un violent coup de pied dans l'estomac. Comme les deux hommes lui avaient cassé des côtes, le vieux avait l'impression que tout son corps était écartelé. Sa vue se brouilla.

Patricio approcha le seau. L'homme le dégoûtait : ses intestins s'étaient relâchés et une odeur d'excréments montait maintenant dans la pièce. Il attrapa sa tête, la tira vers le haut, puis plongea violemment son visage dans le liquide. Le prisonnier ferma les yeux, sentit le contact de la tôle et commença à étouffer ; il chercha à résister puis entrouvrit la bouche en tentant de remonter à la surface, tandis que l'eau s'engouffrait dans ses poumons.

Le rouquin tourna un visage hilare vers Ortega :

— Ça me rappelle chez ma grand-mère, jefe, on coursait les poulets avec mon frère pour leur mettre la tête dans l'abreuvoir. Elles se débattaient, ces vermines, j'vous l'dis ! Et la raclée qu'on recevait ensuite, j'vous raconte pas... Sales bêtes, ces volailles !

Il enfonça encore le crâne du supplicié de quelques centim ètres.

— Vous avez vu son cou et son nez crochu ? Une vraie tête de poulet, jefe, il lui manque juste la crête ! J'pourrais lui tordre la figure d'une seule main, comme ça !

Il mima le geste puis regarda le seau.

— Tiens, on dirait que la vieille saloperie a trop bu...

Le chef consultait son chronomètre. Il attendit encore un petit moment puis fit signe au rouquin de relever la tête. Le vieil homme ouvrit les yeux et tenta de remplir rapidement ses poumons d'air, mais le rouquin lui enfonça de nouveau la tête.

Ortega commençait à devenir nerveux. Combien de temps allait-il tenir ? Le maçon avait soixante-dix ans et risquait d'avoir un infarctus. Il faudrait alors tout reprendre de zéro. Dans ce genre de situation, on appelait jadis le médecin de service, pour qu'il donne son avis. Mais c'était une autre époque, il n'y avait même pas d'infirmier à l'estancia, juste des vachers et des milliers de bœufs qui broutaient la pampa.

Il se leva et saisit le crâne du prisonnier.

— Laisse-moi faire !

Patricio n'avait pas le doigté nécessaire, mais Luis avait étudié le comportement des cr...
S'identifier pour envoyer des commentaires.